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23 décembre 2006

Hallyday, sur l'air de l'ingratitude, par Bruno Kern

         

LE MONDE | 22.12.06 | 14h33   

                                         

                                      

               
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Johnny Hallyday estime payer beaucoup trop d'impôts. Mais pour qui a eu à connaître sur le plan professionnel des pratiques de l'"idole des jeunes", le devoir est de rappeler que les qualités du chanteur sont aussi celles d'un homme d'affaires avisé. Tout particulièrement, Johnny Hallyday, qui n'aime pas payer beaucoup d'impôts, oublie un peu vite les cadeaux qu'il a reçus à partir de fonds publics en France.

 

Le plus bel exemple, mais ce n'est pas le seul, est le cadeau que les collectivités territoriales ont fait au chanteur pour ses 60 ans.

Rappelons-nous : rien n'était trop beau pour la "tournée des stades". Johnny a ainsi chanté en 2003 dans vingt-trois des plus beaux stades de football, dont vingt et un en France : sait-on qu'il a reçu, pour ce faire, plus de 7 millions d'euros payés, d'une manière ou d'une autre, par le contribuable de chacune des villes traversées ?

Le procédé était simple. Son producteur démarchait les villes disposant d'un grand stade de football et leur indiquait que, si elles souhaitaient bénéficier de la présence de Johnny Hallyday, il leur fallait participer financièrement, à l'instar de ce que doivent consentir les villes lorsqu'elles veulent s'assurer d'une étape du Tour de France. Seulement voilà, lorsque le Tour fait étape, le spectacle est gratuit, lorsque Johnny Hallyday vient chanter, on paye ! Il fallait donc trouver des motivations au versement des sommes demandées par le producteur sous peine de voir le rockeur chanter dans d'autres stades...

Dans le silence et dans certains cas, les largesses publiques s'appuyaient implicitement sur la loi de 1999 sur les spectacles vivants. Que dit cette loi ? Que "les entreprises de spectacle vivant peuvent être subventionnées par les collectivités territoriales". Cela concernait-il tous les spectacles, y compris celui du chanteur le plus populaire et dont le succès est avéré ? L'imprécision de la loi a permis la confusion et le permet toujours puisqu'elle définit le spectacle vivant comme "la représentation en public d'une oeuvre de l'esprit s'assurant de la présence physique d'au moins un artiste du spectacle percevant une rémunération". En apparence, un chanteur comme Johnny semblait concerné.

Mais c'était oublier la volonté clairement exprimée par le législateur, qui entendait ouvrir la possibilité de subventionner uniquement "des spectacles qui paraissent plus particulièrement dignes d'encouragement et, notamment, ceux qui ont pour objet principal l'éducation artistique", et ce pour "renforcer les droits des salariés du spectacle et la lutte contre la précarité de leur situation", selon les termes utilisés devant le Sénat par Catherine Tasca, alors ministre de la culture.

Les spectacles de Johnny Hallyday ne pouvaient entrer dans cette possibilité de subventionnement, et certains artistes de spectacles vivants, eux-mêmes intermittents du spectacle et ne disposant pas de subventions, s'en étaient émus, à Bordeaux, jusqu'à porter l'affaire devant le tribunal administratif, en septembre 2003. Mais le jugement au fond fut évité, car Alain Juppé, maire, décida de retirer précipitamment la délibération octroyant la subvention au chanteur.

Dans d'autres villes, pour éviter pareille mésaventure, la demande de subvention fut complétée : il s'agissait "de permettre un accès plus équitable à l'éducation, à la culture et aux loisirs" (délibération de la ville de Nancy du 15 novembre 2002). Tirant les leçons de l'émotion suscitée à Bordeaux et de la position en retrait prise consécutivement par le conseil municipal de Strasbourg, la motivation devenait même à Nancy très sociale puisque des places étaient subventionnées pour permettre "aux bénéficiaires du revenu minimum d'insertion, de l'allocation adultes handicapés, des CES et autres" d'assister au concert. L'intention pouvait paraître louable, mais elle sonnait faux.

En effet, par un curieux hasard, les calculs à propos des catégories défavorisées concernées aboutissaient dans chaque ville à ce que la collectivité territoriale verse le même montant de subvention, soit environ 220 000 euros. Ainsi, il y avait le même nombre de défavorisés dans toutes les villes traversées et quelle que soit la contenance du stade ! Et cette subvention devait être versée en une seule fois, plusieurs mois avant le concert, sans savoir si le nombre de bénéficiaires était en définitive bien celui annoncé dans la délibération initiale... De là à penser que cette subvention venait couvrir les besoins de trésorerie nécessaires à la préparation des concerts, certains, en privé, franchissaient le pas.

A cela s'ajoutait, sans que les considérations sociales l'imposent, la mise à disposition gratuite du stade, l'installation des équipements destinés à protéger la pelouse et parfois la remise en état par la ville après le concert. Bien plus, les panneaux publicitaires à l'intérieur des stades étaient également cédés à titre gratuit pour permettre leur exploitation libre pendant toute la durée du concert.

A l'évidence, les coûts supportés par les villes et le manque à gagner de ces différentes mises à disposition gratuites venaient renchérir la subvention généreusement attribuée à Johnny Hallyday, qui peut être aisément chiffrée, sommes versées et dépenses prises en charge, à près de 400 000 euros par stade, le tout à la charge des contribuables locaux.

Le chanteur en avait-il besoin pour équilibrer ses dépenses ? On peut en douter, car, pour cette seule tournée des grands stades, et selon la presse, les concerts ont rapporté 30 millions d'euros, le chanteur empochant 80 % des bénéfices. Ce n'était pas la première fois que Johnny Hallyday se faisait ainsi financer une partie de ses concerts avec de l'argent public. Ce ne fut peut-être pas la dernière non plus...

Alors, au moment où il décide de s'expatrier en Suisse, il serait peut-être utile que les collectivités lui rappellent ce qu'elles lui ont généreusement versé sur des fonds publics. Bref, il serait peut-être utile, sans le condamner, de le sensibiliser au fait que la France lui a beaucoup donné, et qu'il peut lui rendre un peu. Et nous lui pardonnerons peut-être.

 


Bruno Kern, avocat à la cour et ancien directeur de cabinet du secrétaire d'Etat aux affaires sociales et à l'intégration, Kofi Yamgnane

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