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13 janvier 2007

Point de vue sur les agro-carburant : le mirage de "l'or vert"

Pascal Dacheux, éleveur-agriculteur bio, Vice-Président (« les Verts ») de la région Picardie, en charge de l’environnement et de l’agriculture:

 

 

 

Or vert, agro ressources, biocarburant : carburants, plastiques, matériaux de construction seront tous renouvelables et biodégradables nous dit on. Nous sommes à l’aube de ce monde durable que décrivent toutes les interventions des hommes publics : politiques, scientifiques, décideurs et chefs d’entreprises.
L’espoir suscité est réel, mais il paraît nécessaire de relativiser ces propos.

Cet avenir est en effet tributaire d’une agriculture durable. À ce sujet, le premier objectif de l’agriculture est alimentaire. Si dans les pays développés nous produisons plus que nous ne consommons, ce n’est pas le cas partout, et certains géants démographiques seront aussi de gros consommateurs de ressources pour nourrir leur population.

Le développement des agro ressources dépend donc de la différence entre la production et la consommation alimentaire. Il dépend aussi du potentiel agricole aujourd’hui et demain, et là, les inquiétudes sont grandes. Une agriculture durable dépend de cinq facteurs essentiels : le sol, le climat, la biodiversité, les semences et les hommes, sans eux, rien n’est envisageable.

Le sol, formé à l’échelle géologique, disparaît à une vitesse aussi rapide qu’il lui a fallu de temps pour s’accumuler. La boulimie d’espace pour les infrastructures est énorme et ce sont les plaines les plus fertiles qui sont les premières concernées. En montagne par exemple, ce sont les vallées qui supportent les servitudes.

En outre, l’élévation prévue du niveau de la mer contribuera à la disparition des terres fertiles et à leur érosion ainsi qu’à des mouvements de population qui grignoteront encore l’espace productif.

Une autre inquiétude est liée à l’érosion consécutive à l’agrandissement de la taille des parcelles et la disparition d’un couvert pérenne qui protège le sol. C’est aussi l’appauvrissement en humus qui déstructure les sols et aggrave les effets hydrauliques et éoliens. Les pays tropicaux sont très concernés, mais la France l’est aussi.

Le climat va changer à court terme, c’est une certitude. Ce sera un réchauffement global qui pourra se traduire par des hivers plus froids et des étés plus chauds qui occasionneront des pertes de rendement. Mais l’agriculture intensive est elle-même grosse consommatrice d’énergie fossile et donc pourvoyeuse de gaz à effet de serre.

Rien qu’en engrais, pour récolter quelques tonnes de blé, betteraves, colza ou maïs, il faut plus de 600 litres de pétrole par hectare et par an. En outre le recours aux pratiques intensives consomme de l’humus plus qu’il n’en produit et contribue encore à l’effet de serre en déstockant du carbone.

La biodiversité se réduit à un rythme encore jamais vu dans l’histoire de notre planète. Même la fameuse disparition des dinosaures s’est déroulée sur une échelle de temps incomparablement plus longue. Or, l’équilibre écologique des agro systèmes est absolument tributaire de la biodiversité et de la capacité des espèces à se réguler et régénérer les cycles de l’eau, de l’air, du carbone, de l’azote.

Sans parler de la pollinisation entomophile et de la prédation des ravageurs. Ce sont 100 000 tonnes de pesticides qui sont déversés tous les ans en France afin de produire plus en influençant les agro systèmes mais aussi en déstabilisant les équilibres biologiques dans une fuite en avant.

Les semences seront génétiquement modifiées, bien sûr. Cela permettra de gagner du temps donc de l’argent. Tel industriel souhaitera une molécule et la plante lui fournira dans les mois qui suivent. Nul problème qui n’ait sa solution dans l’éprouvette. Mais quelle vulnérabilité de confier nos intérêts fondamentaux à un petit groupe de financiers qui acquérront ainsi un pouvoir démesuré !

D’autre part, sans refaire le débat sur les OGM, les systèmes agraires seront bouleversés sans que nous en mesurions les conséquences durables.

Enfin, les hommes, leur technicité, leur répartition sur le territoire, leur nombre seront indispensables pour adapter les systèmes aux changements climatiques mais aussi sociaux qui s’annoncent. Or, à travers le monde, l’exode rural est massif, la perte des savoirs autochtones est immense et c’est la capacité à vivre en harmonie avec les territoires qui disparaît tous les jours avec cette uniformisation que les semences mondialisées contribuent à développer.

À l’analyse brève de ces cinq facteurs, nous devons constater qu’ils se dégradent tous dans des proportions jamais recensées. L’agriculture durable, absolument nécessaire aux agro ressources, aux quatre coins de la planète, est un vœu pieux qui perd du terrain chaque jour.

Ainsi, en France, la réforme de la PAC est elle une occasion manquée pour atteindre cet objectif. Un système universel et très efficace d’agriculture voit sa disparition accélérée par la conditionnalité des aides. Les contraintes imposées aux éleveurs, et tout particulièrement aux plus petits élevages, vont les amener à abandonner cette activité. Pourtant le système polyculture-élevage est efficace et sobre grâce aux synergies que les animaux apportent aux plantes et au sol avec les prairies et les fumiers qui profitent aux plantes dont les sous-produits sont valorisés avec les pailles et les déchets de triage.

La réforme qui impose des investissements et une réglementation contraignante pour les éleveurs va dissuader les plus petits d’entre eux de continuer cette activité. Les systèmes vont se spécialiser encore plus et les problèmes s’accroître. Il faudra encore plus d’investissement et de produits chimiques pour les résoudre et il faudra encore plus de capitaux ce qui contribuera à détruire l’agriculture paysanne et les hommes qui la pratiquent. Cette agriculture sera plus fragile aux fluctuations car moins autonome. Le cercle vicieux va amplifier les effets négatifs.

De même, l’arrivée des carburants verts issus du blé et autres cultures est-elle le choix des agro managers contre l’agriculture paysanne. Il va falloir augmenter les rendements, agrandir les parcelles, restructurer les exploitations, détruire les sols, la biodiversité, les hommes pour vendre des semences, des engrais, des camions et des tracteurs. Car il n’y a pas de plus value dans cette production mais juste un débouché pour un produit déjà beaucoup moins cher au Brésil et qui ne sera jamais compétitif : l’éthanol.

Je n’entends nulle part évoquer des pistes pourtant prometteuses comme l’agroforesterie qui associe culture pérenne et annuelle dont les aménités sont bien meilleures sur les cinq points clé de l’agriculture durable mais dont le gros défaut est une remise en cause du productivisme, et de certains stéréotypes de développement.

Alors, ne nous leurrons pas, les agro ressources sont dénuées d’intérêt si les cinq facteurs fondamentaux sont bafoués. Seule une prise en compte sans concession du sol, du climat, de la biodiversité, des semences et des hommes peut donner son intérêt à l’or vert, et nous n’en prenons pas le chemin.

Auteur : Pascal Dacheux, éleveur-agriculteur bio, Vice-Président (« les Verts ») de la région Picardie, en charge de l’environnement et de l’agriculture.

   

 

Source  Economie, Energie, Environnement                                                                 

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