Le Pen, entre convictions et provocations
Et il y a encore des personnes qui veulent voter pour cet homme ? le devoir
de lui casser sa baraque et son image m'appelle...bonne lecture.
une habitante
intérrogative.
Chaque
rencontre avec Jean-Marie Le Pen réserve ses surprises, qu'il s'agisse
d'une conférence de presse, d'un déjeuner ou d'un entretien formel. Des
questions incisives peuvent tomber à plat ou déboucher sur une
discussion dans laquelle le vieux politicien se fait narrateur de
talent.
Un simple échange peut en revanche provoquer des déclarations provocantes, difficilement supportables pour qui ne partage pas sa vision du monde. Tout dépend en fait de l'humeur du président du Front national (FN). Lors de son déplacement à sa maison natale de La Trinité-sur-Mer (Morbihan), samedi 17 mars, M. Le Pen était dans de bonnes dispositions. Il avait ce jour-là invité la presse au restaurant. Et c'est volontiers qu'il avait accepté de répondre aux questions des huit journalistes qui étaient à sa table. Sur la sclérose d'une partie du FN lors de la collecte des parrainages, sur ses chances d'accéder au second tour, sur la politique avec Israël, "l'ère nouvelle" qui pouvait s'ouvrir avec Nicolas Sarkozy après le départ de Jacques Chirac...
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Provocation en période électorale ou conviction profonde ? Ce qui importe est ce qui est dit, alors que rien n'y pousse.
Lundi 2 avril, Jean-Marie Le Pen en revanche était très en colère. Il revenait d'un entretien avec Pascale Clark pour l'émission "En aparté" sur Canal+. L'animatrice l'avait beaucoup titillé sur son âge, sa santé, ses capacités à tenir la campagne électorale. "J'espère que vous serez mieux qu'elle", avait tout de suite prévenu M. Le Pen aux journalistes du Monde venus l'interviewer dans sa villa de Montretout, à Saint-Cloud (l'entretien est paru dans l'édition du 5 avril). Les questions étaient différentes mais M. Le Pen avait décidé de se venger, de se défouler.
Dès les premières minutes, le ton monte, tourne à l'agressivité. Quand on lui demande ce qu'il pense de ceci ou cela, il répond : "Je n'en sais rien moi" ou "Vous avez lu les journaux ?". A l'évocation de la mobilisation de l'entre-deux-tours de la présidentielle de 2002, il parle de mobilisation "bidon", de "morveux" contents de défiler dans la rue. A la question : "Comment avez-vous amendé votre programme ?", il répond : "Pourquoi ? parce qu'il fallait que je l'amende ?". A la question : "En quoi votre programme diffère-t-il de 2002 ?", il répond : "Lisez et comparez." Et quand on rappelle que pour certains il s'est "assagi", il réplique : "Oui, maintenant il fait sous lui, c'est bien connu. Il n'en peut plus..."
Que faire de cette heure d'entretien ? La tentation était grande de rester sur la caricature que M. Le Pen avait faite de lui-même. Peut-être était-ce d'ailleurs où il voulait nous mener pour trouver une nouvelle raison de protester contre la presse. Non, il fallait reconstituer le climat de l'entretien et aussi ses réflexions lancées pêle-mêle pour que le lecteur puisse mieux coller à la réalité de ce moment particulier.
Parfois, il arrive que M. Le Pen lise la presse trop vite. Il est ainsi pris au dépourvu lorsque Jean-Pierre Elkabbach lui a lancé, mercredi 11 avril, sur Europe 1 : "Arnaud Montebourg a affirmé qu'entre la droite UMP et le FN se mijote un prochain accord, vous l'avez traité d'illuminé. D'après Le Monde du 9 avril, c'est votre fille Marine qui confiait : "Nous sommes parvenus à instaurer un véritable dialogue entre Nicolas Sarkozy et Le Pen". Généralement elle sait ce qu'elle fait, la traitez-vous d'illuminée ?"
Jean-Marie Le Pen a alors botté en touche. Mais, à peine sorti du studio de l'émission, il téléphonait à sa fille pour lui demander des comptes et exiger d'elle un droit de réponse au Monde. Marine Le Pen se souvenait d'avoir parlé d'un "dialogue médiatique" entre M. Sarkozy et M. Le Pen à partir d'événements tels que le périple du président du FN dans la cité du Val-d'Argenteuil ou sur les origines "immigrée" ou "de souche" des candidats, mais pas sur d'éventuels accords.
Après lecture du journal, elle a rappelé son père pour lui dire que le journaliste avait fait une interprétation erronée de ses propos et qu'il s'était "fait avoir". Le lendemain M. Le Pen déclarait au Figaro : "Si Sarkozy dit qu'il est d'accord pour un rapprochement, pourquoi pas ? Cela dépendra de l'intérêt de notre pays et de notre mouvement !"
Tel est Jean-Marie Le Pen.
source Le Monde Christiane Chombeau