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27 novembre 2007

Ingrid Betancourt : et si on se plantait complètement ?

On a l’impression d’avoir tout lu et tout entendu sur le Chavez maladroit et bonhomme, interrompu dans sa bienveillante médiation par un Uribe pète-sec, boutefeu et pas plus humain que les vilains dictateurs militaires auxquels il vouerait un culte secret sous les caissons de son palais d’opérette.

Ingrid Betancourt est la seule personne qui vaille en effet aux Andes du Nord l’hommage d’un certain intérêt de la presse française. Périodiquement, on excave quelques experts et il nous est demandé d’écouter religieusement Mélanie Delloye-Betancourt nous expliquer la complexe géopolitique de la région, laquelle tourne évidemment exclusivement autour de la Jeanne d’Arc d’Amérique du Sud. Et nous sommes censés verser une larme compassionnelle en frémissant avant de nous replonger vite fait dans notre actualité nombriliste où, à défaut de guérilleros, nous admirons ou craignons des cheminots syndiqués et où en guise de discours martiaux on applaudit ou fustige les rodomontades sarkozyennes sur la décote, la surcote et les annuités des régimes spéciaux.

Cinq ans et quelques mois de gesticulations françaises et Ingrid n’a pas été libérée. Elle est aujourd’hui morte ou vivante, mais est en tout cas sans aucun doute possible le plus bel atout que nous avons offert aux Farc, ses ravisseurs, par notre impéritie et notre satanée coutume de caresser les méchants plutôt que de soutenir ceux qui leur tapent dessus.

J’aurais voulu vous parler de tout ce qu’il y a d’autre en Colombie que cette triste affaire, des montagnes magnifiques, de la cumbia, de la salsa, des soupes chaudes et savoureuses de la montagne, des jolies filles, des corridas, de l’incroyable joie de vivre de tout un peuple qui a décidé d’être heureux malgré les salopards. Je l’ai fait jusqu’il y a quelques mois sur un blog dédié à l’Amérique latine, mais la monochromie de la photo qu’on veut encore nous vendre en France m’impose de me concentrer à la difficile tâche de pigmenter un peu pour vous cette seule photo de Chavez, Uribe et la famille Betancourt.

Chavez : un drôle de bonhomme, lieutenant-colonel parachutiste et putschiste malheureux qui s’est rangé aux règles de l’élection quand il a senti qu’elles lui étaient favorables. Dix fois ou presque adoubé par un peuple fatigué des démocrates fantoches à la solde d’une invraisemblable oligarchie le Chavez. Il a suffi à don Hugo de distribuer quelques miettes aux pauvres pour faire mieux en matière de redistribution que tous ses prédécesseurs réunis. Mais j’ai bien dit quelques miettes. Et j’oubliais des milliers d’heures de discours plus ou moins fleuris mordant au grand dam des Vénézuéliens sur les telenovelas qui ont l’immense mérite de distraire leurs aficionados des soucis quotidiens. Jusque-là, rien de bien méchant donc. Sauf que Chavez se veut l’héritier de Fidel Castro et préfère aller crier sa haine de l’Occident aux côtés du bon petit père Ahmadinejad et acheter des armes au courageux Loukachenko que de faire fructifier le pactole d’un pétrole cher au profit de ses électeurs... Dans quelques jours, don Hugo demande aux Vénézuéliens d’assurer au socialisme radieux un avenir sans obstacle. Pour ça, il faut réformer la constitution et permettre au seul interprète du libertador Simon Bolivar, j’ai dit Hugo, de se représenter « jusqu’à ce que ses os soient désséchés ». Et cet abruti de peuple doute, dit-on. Rien de tel qu’une bonne diversion internationale pour faire taire ces insolents d’opposants, lesquels doivent de toute façon être à la solde du démon Bush... Se fâcher avec Bogota, en voilà une idée qu’elle est belle ! Après avoir voulu faire du malheureux Juan Carlos d’Espagne l’héritier belliqueux des plus sauvages des colons espagnols, avoir disserté sur Victor Hugo à Paris faute de pouvoir présenter les premiers résultats tangibles de sa médiation avec la guérilla, exciter l’opinion publique contre ces méchants Colombiens butés va distraire ce fichu peuple...

Uribe : un phénomène dans son pays méconnu, qui continue d’atteindre une popularité supérieure à 70 % cinq ans après sa première élection à la présidence de la République. Et ceci malgré la guerre, atténuée, mais pas terminée, malgré les otages que les Farc ne lâchent pas, malgré les péripéties d’une vie politique viciée par la drogue, les alliances impardonnables des caciques locaux avec les groupes armés, malgré l’opprobre de la gauche et de certains démocrates américains. Le problème, c’est que les Colombiens savent que leur pays n’est pas la Suisse et jugent leur président à l’aune du possible et non de l’idéal. Et les progrès enregistrés par leur Alvaro Uribe leur semblent considérables. Et puis, les Colombiens, comme leur président, ils n’aiment pas les Farc, mais pas du tout. Et ils savent qu’il n’y a aucune négociation possible avec ces tarés. Ils espèrent seulement qu’un jour, lesdits tarés, affaiblis, isolés, menacés d’extradition vers les Etats-Unis, tenteront alors un compromis avec les institutions qu’ils combattent depuis plus de quarante ans.

La famille Betancourt : une famille de l’oligarchie colombienne, qui a plus vécu en France qu’en Colombie. Un carnet d’adresse qui n’a rien à envier au who’s who. Le père qui fait le lien avec la France, Fabrice Delloye, ex-mari et conseiller commercial viré pour son manque de diplomatie, ne comprend pas que l’on n’ait pas compris qu’il avait tout compris mieux que tout le monde. Il trouve très normal de parler géopolitique sud-américaine à l’Elysée chaque semaine et est sûr de le faire mille fois mieux que l’ambassadeur de Colombie. Astrid, la sœur de la captive, qui s’est dégottée un compagnon, diplomate de choix, en la personne de l’ancien ambassadeur de France à Bogota, devenu l’architecte de la stratégie française dans le dossier. Insubmersible Daniel Parfait, qui a vendu sa politique depuis 2002 aux autorités françaises successives, avec les résultats que l’on sait. Mélanie, la fille, qui aurait pu être touchante si elle ne s’était pas trompée de cible et si son juste chagrin se suffisait à lui-même. Mais non, la gamine nous explique la vie politique colombienne et exige de nous que nous comprenions que sa mère, otage parmi des milliers, est le principal déterminant de l’histoire andine. Sa grand-mère, Yolanda Pulecio, ne comprend plus l’époque. Comment peut-on lui faire ça à elle, l’ex-miss Colombie qui a dûment fréquenté les meilleurs salons de Bogota et de la jet-set latino ? Juan-Carlos, le mari d’Ingrid, qui m’est le plus sympathique parce qu’il comprend que toute l’agitation dans les hôtels particuliers du 7e arrondissement n’est pas d’un grand secours pour lui rendre sa chérie. Et puis Ingrid elle-même, dont on ne sait rien depuis 2003 et son message vidéo dans lequel elle refusait d’être échangée contre des guérilleros emprisonnés (on l’a oublié, cet épisode, au fait ?).

Voilà, ce triptyque un peu tragique. Et si nous changions de stratégie et décidions d’exercer nos modestes pressions sur les Farc, les seuls coupables de l’affaire ? Et si nous décidions de comprendre que la médiation Chavez pose de fort légitimes difficultés aux Colombiens ? Et si nous nous posions la question de savoir si Chavez n’a pas dépassé les limites fixées par Uribe parce qu’il savait que sa médiation était vouée à l’échec et qu’il voulait en faire porter la responsabilité aux Colombiens ?

Puisse mon témoignage de colombianophile convaincu vous donner un autre éclairage sur ce triste jeu de dupes. Moi, je crois qu’un mandat d’arrêt contre les responsables des Farc et une coopération opérationnelle accrue avec le gouvernement colombien sont bien plus susceptibles de faire réfléchir les Farc et de les pousser à négocier. Et j’ose espérer que si négociation il y a un jour, celle-ci ne concernera pas l’infime minorité d’otages « échangeables », sur lesquels portent toutes les discussions depuis cinq ans, mais sur l’ensemble des otages anonymes. Pour l’instant, on ne peut que reconnaître la puissance de la stratégie de communication des prétendus amis d’Ingrid et, tout à la fois, sa profonde inanité.

Phiconvers

 

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