Les allègements de charges multiplient les smicards
Les trappes à bas salaires sont l'un des effets pervers de la politique
systématique de dégrèvement des charges sociales. Tous les
gouvernements qui se succèdent depuis Edouard Balladur, inventeur de la
chose, pratiquent les exonérations de charges sociales sur les bas
salaires, afin d'inciter à embaucher des emplois peu qualifiés. Et de
fait on embauche des salariés peu qualifiés autour du Smic, on crée
beaucoup d'emplois mal payés, et d'une certaine manière on déqualifie
le travail. On tasse la qualification du travail français vers le bas.
Qui paye la protection sociale ?
Comme ces salariés ont fort heureusement droit à la protection sociale,
et que les patrons ne payent pas de cotisations sociales pour eux, il
faut bien que ce soient les cotisations sociales sur d'autres
catégories qui compensent. Disons que grosso modo ce sont les cadres
qui payent une part de la protection sociale des non cadres. De fait,
il existe bien une progressivité de la cotisation sociale, due aux
dégrèvements de charges concédés aux patrons.
Et, du fait de la forte progressivité des cotisations
sociales autour du Smic, un employeur y regarde à deux fois avant
d'augmenter un salaire, car le coût du travail augmente
proportionnellement plus vite. Conclusion : lorsqu'on est au Smic, on a
de grandes chances d'y rester.
Autre conséquence, l'augmentation du
nombre de salariés payés au Smic, cette politique d'aide systématique
aux bas salaires a un deuxième effet pervers : la surqualification.
Contrairement à ce que l'on pourrait croire, il n'y a pas que des gens
peu qualifiés qui occupent ces postes eux-mêmes peu qualifiés, mais
aussi diplômés, qui les occupent faute de mieux. « Alternatives économiques »
a publié dans son dernier numéro un tableau remarquable fait par
Eurostat, l'organisme statistique des communautés européennes, montrant
que la France est le pays de l'OCDE comportant le plus de Smicards :
15%. Dans tous les pays riches - Grande Bretagne, Etats-Unis, Pays Bas,
Belgique etc - la proportion de Smicards est de 1 à 2% seulement. Du
coup la France est un pays égalitaire, mais où les revenus sont
concentrés dans le bas de l'échelle, avec un Smic plus faible
qu'ailleurs (le Smic français est plus faible que le Smic anglais par
exemple). Décidément, la politique d'allègement des charges sociales
est à revoir.
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