Sarkozy se marie sous les sifflets
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Marié ce week-end avec Carla Bruni, le Président enregistre une chute de treize points dans notre sondage LH2.
ALAIN AUFFRAY Libération.fr
Le chaud. Le froid. L’intimité du bonheur. L’exposition de la déconvenue. Un mariage, samedi, avec Carla Bruni. Un divorce hier, avec les Français. Et à l’arrivée, un week-end politique décisif où tout s’emmêle, vie privée et cote d’amour publique. Avec d’un côté, le premier chef de l’Etat ayant divorcé en cours de mandat qui se marie quelques semaines plus tard avec une chanteuse et ex-mannequin. De l’autre, la confirmation par l’institut LH2, dans une enquête réalisée pour Libération, d’une chute extraordinaire de la cote de confiance du Président : seulement 41% des Français avaient de lui, ce week-end, une opinion positive, contre 54 % au début du mois de janvier.
Choc de défiance. Pour François Miquet-Marty, directeur des études à l’institut LH2, cette défection massive n’a qu’un précédent, celui de Jacques Chirac en 1996. A l’époque, les Français étaient déçus par celui qui avait promis de combattre la «fracture sociale». Aujourd’hui, le fiasco du «choc de confiance» annoncé par Sarkozy provoque en retour un véritable «choc de défiance» qui, à cinq semaines des municipales, provoque la panique chez les candidats de l’UMP.
«Sentiment d’imposture». Selon l’enquête de LH2, le discrédit touche toutes les catégories sociales et toutes les générations. Il concerne à la fois la politique économique et le style du chef de l’Etat : 84 % des Français sont insatisfaits des résultats de la politique sur le pouvoir d’achat, 76 % contestent l’affichage de sa vie privée. François Miquet-Marty constate que les «désenchantements constatés» finissent par donner «le sentiment d’une imposture». La formule est assassine. Mais elle rend bien compte de ce que constatent, sur les marchés, les élus et les militants en campagne. Sentiment que confirme la large victoire de la gauche hier à Chartres (Eure-et-Loir) lors d’une législative partielle face au député-maire UMP sortant.
Il n’y a d’ailleurs plus que les proches du Président qui contestent la réalité de cette désillusion généralisée. Yves Jego, porte-parole de l’UMP et candidat à sa propre succession à Montereau (Seine-et-Marne), soutient que le débat sur le «style Sarkozy» est une construction médiatique. Et il espère que le mariage aura aussi pour effet d’éteindre enfin «la passion journalistique pour le sujet». C’est aussi l’espoir de l’Elysée, où l’on s’est contenté samedi d’un communiqué confirmant un mariage «dans la plus stricte intimité».
Mais chez les candidats de la majorité présidentielle qui ne veulent pas entendre parler de politisation de l’élection, le mot d’ordre est bien : «Cachez ce Sarkozy que je ne saurais voir, ma campagne est purement locale.» Y compris chez les ministres comme Xavier Darcos, Laurent Wauquiez ou Luc Chatel, engagés dans des batailles périlleuses. Dans ces conditions, l’initiative du ministre chargé des Relations avec le Parlement, Roger Karouchi, ne devrait connaître qu’un succès d’estime. Il a diffusé à usage des candidats, un pense-bête rappelant toutes les réformes votées depuis juin.
Claude Goasguen, député UMP de Paris (et assuré de sa réélection dans le XVIe arrondissement) est l’un des rares à reconnaître clairement des «remontées difficiles, notamment dans les grandes villes». Il en a profité pour contester violemment l’ouverture aux «vieilles momies» du mitterrandisme : Lang, Védrine, Attali ou Rocard.
Les ailes des dissidents. Cet embarras manifeste des têtes de liste UMP donne même des ailes aux représentants de la droite non-sarkozystes. Des dissidents, engagés dans des combats plutôt symboliques se prennent à espérer. Dans les fiefs de droite comme Boulogne, Neuilly et les arrondissements de l’ouest parisien (VIIe, XVe et XVIe), ils se donnent de bonnes chances d’empêcher l’élection dès le premier tour des champions de l’UMP. Pour les plomber, leurs adversaires insistent sur leur proximité avec Sarkozy : à Reims, Renaud Dutreil est qualifié de «candidat bling-bling»; à Angers, la gauche souligne que Christophe Béchu avait ouvert le premier meeting de la présidentielle.
L’un des rares candidats à proclamer sa proximité avec le chef de l’Etat était hier le maire du VIIIe arrondissement François Lebel, candidat à sa propre succession contre Pierre Lellouche, investi par l’UMP. Lebel a multiplié les interviews sur le mariage qu’il a célébré samedi matin. Il raconte même que le marié lui a souhaité «bonne chance pour les municipales». L’Elysée dément…