Bûches et produits de ramonage : la porte ouverte aux arnaques
Pourquoi
faut-il ramoner une cheminée ?
Les
"combustibles solides" que l'on brûle dans une cheminée à foyer
ouvert, dans un insert ou un foyer fermé, dans un poêle ou dans une chaudière
dégagent de la fumée qui doit être évacuée dans un conduit étanche, débouchant
sur le toit et dépassant son faîtage de 40 cm. Jusque-là, vous suivez...
Aujourd'hui, le seul "combustible solide" utilisé est le bois,
parfois ses dérivés (bûches de bois reconstitué, granulés). Or de quoi est
constituée cette fumée ? De gaz (monoxyde de carbone, oxyde d'azote, COV, etc.)
mais aussi de particules solides (la suie) qui donnent sa couleur à la
fumée. Au contact des parois froides du conduit de cheminée, une partie
de la fumée se condense : le goudron contenu dans la fumée se dépose,
s'accroche aux parois et forme des dépôts de créosote. Les résines et la suie
agglomérée forment le calcin. L'accumulation de ces dépôts finit par réduire la
section du conduit, entrave le tirage. Enfin et surtout, certains de ces dépôts
étant hautement inflammables, ils risquent de s'enflammer et engendrer le
fameux "feu de cheminée" si redouté des pompiers car toujours très
difficile à éteindre.
L'encrassement
des conduits de fumée ayant été à l'origine de beaucoup des grands incendies
urbains dans le passé, les pouvoirs publics et les autorités locales ont pris
depuis longtemps des dispositions enjoignant les utilisateurs de cheminée à
faire ramoner leurs conduits. Sans qu'il s'agisse d'une obligation nationale,
le ramonage est prescrit comme une obligation par arrêté préfectoral, municipal
et rend généralement obligatoires deux ramonages mécaniques par an (l'un en
début de saison de chauffe et l'autre en milieu de celle-ci) pour les combustibles
solides, et une fois par an pour le gaz. Les arrêtés prévoient que le ramonage
doit être effectué par un ramoneur professionnel possédant un brevet de
maîtrise ; celui-ci est seul habilité à délivrer un certificat de ramonage.
Le défaut de ramonage est une infraction sanctionnable par une contravention de
3e catégorie, des sanctions plus importantes pouvant être prises si une
infraction entraîne un incendie aux conséquences graves. Contrairement à une
idée reçue, l'absence de ramonage n'entraîne pas la suspension de couverture de
l'assurance, au titre de la responsabilité civile. En revanche, elle induit
généralement la suppression d'indemnisation des dommages résultant d'un
incendie lié à un défaut d'entretien du conduit (charge à l'assurance de le prouver).
Quoi
qu'il en soit, les choses sont parfaitement claires :
•
le conduit doit être ramoné deux fois par an (combustible solide tel que le
bois) ;
•
le conduit doit être nettoyé mécaniquement ;
•
seul un ramoneur professionnel qualifié est habilité à le faire, et à délivrer
un certificat.
Qu'est-ce que le "ramonage" chimique ?
Depuis
un certain nombre d'années, on a vu apparaître des produits sous forme de
poudre ou de "bûche" reconstituée, dont l'action chimique a pour
objectif de dissoudre les dépôts accrochés aux parois du conduit de fumée.
Cette action décolle les suies et dégrade les goudrons par action catalytique.
Selon certains fabricants, les fumées ainsi produites sont capables d'aller
déloger les dépôts, là où les brosses du ramoneur ne pourraient aller; ce qui
est bien improbable.
Plusieurs
questions simples se posent :
•
Est-ce que ça marche ? On répondra oui ;
•
Est-ce que c'est suffisant : On répondra non !
L'ambiguïté des Pouvoirs publics.
C'est
l'État lui-même qui, à travers la très officielle Direction Générale de la
Santé instille le doute et a créé la brèche dans laquelle, certains
fabricants peu scrupuleux, (précisons qu'ils ne sont pas tous à mettre dans le
même sac) se sont engouffrés. Dans sa circulaire 98-266 du 24 avril
1998 relative au ramonage chimique, et en préambule à l'arrêté lui-même, le
Conseil supérieur d'hygiène publique indique certes que "l'on entend par
ramonage le nettoyage par action mécanique directe de la paroi intérieure du
conduit" mais précise de façon très jésuite que "le règlement
sanitaire n'interdit pas l'usage de ces produits (les produits chimiques de
ramonage) mais l'absence de nettoyage par action mécanique directe constitue
une infraction. Pire, le texte introduit le "loup dans la bergerie"
quand il précise : "Afin de prendre en compte des évolutions
technologiques éventuelles en matière de procédés de ramonage, le CSHPF propose
que tout moyen nouveau de ramonage puisse à l'avenir être utilisé dès lors
qu'il aura fait l'objet d'un avis technique favorable délivré par la commission
chargée de formuler ces avis". Or les choses sont pourtant parfaitement
claires : le CSTB, seul habilité à formuler des avis techniques, a bien indiqué
(et le texte le reconnaît) concernant ces produits, que "leur efficacité
réside essentiellement dans une fragilisation des dépôts à l'intérieur des
conduits par changement de leur consistance et de leur adhérence, ce qui
facilite le ramonage par voie mécanique", mais en aucun cas qu'il ne peut
s'y substituer. Le CSTB précise même "que des risques de corrosion
existent pour certains matériaux des conduits", ce qui n'est pas anodin.
Pourtant, l'arrêté lui-même accorde un préjugé favorable envers ces produits
quand il stipule que "les opérations de ramonage doivent permettre
d'éliminer les suies et dépôts et d'assurer la vacuité des conduits sur toute
leur longueur. Elles comprennent le nettoyage par action mécanique directe de
la paroi intérieure des conduits d'évacuation des produits de combustion et des
conduits de raccordement des foyers, complété ou non par l'utilisation d'autres
procédés et produits". L'arrêté s'achève en rappelant l'obligation du
ramonage mécanique "l'utilisation de produits chimiques ne pouvant
être que complémentaire." Et de se retrancher, pour l'avenir,
derrière "la mise en place d'un groupe de travail chargé d'examiner
les modalités d'exécution des ramonages, notamment sur l'intervention des
professionnels et les contrôles" dont personne n'a plus entendu parler...
La porte ouverte aux arnaques. Pourquoi ne pas avoir été plus clair et ne pas avoir
réservé la qualification de "ramonage" au seul nettoyage mécanique
des conduits par des professionnels patentés ? Pourquoi ne pas avoir créé la
dénomination obligatoire de "complément de ramonage", pourtant induit
par le texte, pour les bûches ou produits chimiques participant au nettoyage
des conduits ? Pourquoi ne pas avoir imposé que soit apposé une mention claire
et très apparente sur TOUS les produits de nettoyage des conduits, bûches et poudres
prétendument de ramonage, mais aussi matériel de ramonage en vente libre dans
les grandes surfaces de bricolage, une mention du genre 'LE RAMONAGE MÉCANIQUE
PAR UN PROFESSIONNEL PATENTÉ EST SEUL CONFORME À LA RÉGLEMENTATION"?
L'État, si prompt à dénoncer les risques du tabac ignorerait-il qu'il n'y a pas
que la fumée de cigarette qui tue... Les feux de cheminée représentent plus de
10 % des sinistres et le monoxyde de carbone (presque toujours dû à un défaut
de tirage) est responsable de 6 000 intoxications par an et 300 décès, dont
beaucoup sont liés à un défaut de ramonage.
Mais là où les choses
tournent au scandale, c'est quand certains fabricants peu scrupuleux osent
délivrer des certificats de ramonage bidons, glissés dans l'emballage, quand
ils ne sont pas mis en valeur sur la boîte elle-même, laissant implicitement
penser que l'utilisation de ce genre de produit pourrait avoir la même valeur
qu'un ramonage mécanique, notamment auprès de l'assurance ou d'un propriétaire
ou d'un syndic de copropriété. Que fait la DGCCRF (direction des fraudes) ? Que
fait le BVP (Bureau de vérification de la publicité) lorsqu'ils laissent passer
des publicités pour de tels produits ?
Et
qui s'est véritablement inquiété des conséquences sur l'environnement de tels
produits qui, s'ils sont capables de dissoudre des goudrons dans un conduit de
cheminée, ne sont certainement pas anodins sur nos bronches. ? On peut tout de
même avoir quelques doutes quand le fameux Conseil supérieur d'hygiène publique
se retranche derrière le CSTB (dont les compétences éminentes en matière
technique n'en font pas un expert en santé publique...) pour affirmer que
ladite étude "montre que l'utilisation de ces produits chimiques est
sans danger pour les personnes dès lors que leur mise en œuvre est réalisée
conformément aux indications des fabricants". Circulez, il n'y a rien à
voir...
D’après l'avis de Christian Pessey