Un canal pour sauver la Mer Morte
Sauver la mer Morte : l'objectif est plus que louable.
D'autant qu'il s'agit
de le faire dans le cadre d'une coopération régionale entre Jordaniens,
Palestiniens et Israéliens. Mais le projet de « Canal de la Paix »,
lancé à cette fin, suscite de plus en plus de critiques. Le
gouvernement israélien a donné son feu vert, le 11 mars dernier, à la
construction de ce canal entre la mer Morte et la mer Rouge.
(...)
La mer Morte rétrécit à vue d'oeil. Chaque année, son niveau baisse de
1,2 mètre. Outre son intérêt touristique, elle abrite un capital
géologique unique au monde. Son eau contient 32 % de minéraux, contre 3
% en moyenne dans les autres mers de la planète. Et, sur les 21
minéraux répertoriés, 12 n'existent nulle part ailleurs. Il y a urgence
à réagir.
Catastrophe écologique
Mais le « Canal de la Paix »
pourrait bien se révéler une catastrophe écologique, selon de
nombreuses associations. L'eau prélevée dans la mer Rouge serait pour
moitié dessalée afin de subvenir aux besoins en eau potable des
Jordaniens et, pour l'autre moitié, déversée telle quelle dans la mer
Morte. Une perfusion qui pourrait être fatale à ce milieu écologique
unique. Car, paradoxe de la nature, la mer la plus salée au monde n'est
pas une mer, mais un lac alimenté en eau douce.
Ce projet est
soutenu activement par Shimon Pérès, le ministre israélien du
Développement régional. « Même pour les Jordaniens, le projet n'est pas
pertinent sur le plan économique, affirme Guidéon Bromberg, directeur
israélien de l'association Amis de la Terre - Moyen-Orient, qui réunit
Jordaniens, Palestiniens et Israéliens. Une fois dessalée, l'eau du
canal leur coûtera 1,5 dollar le mètre cube, alors qu'elle coûte 0,57
dollar le mètre cube dans l'usine d'Ashkelon », en Israël. « Les seules
bénéficiaires seraient les grandes entreprises construisant le canal,
l'usine de désalinisation et la centrale électrique, ajoute-t-il. Il
s'agit d'un investissement de 5 milliards de dollars, au minimum. »
Pour sauver la mer Morte, la solution la plus économique et la plus écologique serait, selon certains experts, de rouvrir les vannes du Jourdain, autrefois sa principale source d'alimentation. Jusque dans les années 1950, le flux était de 1,3 milliard de mètres cubes par an. Aujourd'hui, il est réduit à 100 millions de mètres cubes. « Il ne s'agit pas de revenir à la situation d'antan, mais uniquement d'arrêter l'hémorragie - pour cela, il faut 650 millions de mètres cubes par an - tout en tenant compte des besoins de l'homme en eau potable », estime Guidéon Bromberg. Pour cela, il faudrait moderniser les infrastructures - 50 % des eaux sont perdues en raison de leur mauvais état -, réviser la politique d'eau subventionnée pour l'agriculture et construire d'autres usines de désalinisation.